Puisqu’une œuvre de l’esprit ne se juge qu’au regard de ses fruits, il est aisé de voir que la thèse de M. Tristan Pouthier est un éclatant succès. Comment ne pas constater la grande fécondité de ce travail du point de vue de l’histoire des idées ? L’histoire joue ici le rôle qui est – ou doit être – le sien dans toute construction de l’esprit : rétablir l’intelligibilité de processus et d’objets de pensée autrement obscurs et qui, à défaut, paraîtraient simplement avoir été « posés là », comme des statues sans socle ou des monuments sans fondation. Tristan Pouthier a eu indiscutablement raison d’exhumer – sans nul encouragement de la part de son directeur de recherches et par l’effet de son seul discernement personnel et d’un réel courage intellectuel – cette pensée enfouie des « éclectiques » et des « spiritualistes » français du XIXe siècle. Par les grands mérites clarificateurs de sa propre plume – qui rend compréhensible pour nous une littérature qui semble contradictoirement, et selon les moments, trop compliquée ou au contraire trop verbeuse et superficielle – il montre en quoi ce pan englouti de l’histoire de nos idées philosophiques, morales, politiques et juridiques nous éclaire, d’une manière qui semble alors d’une profonde nécessité, sur les enchaînements de pensée qui nous ont conduits à être ce que nous sommes. Car rien ne nous informe plus à ce sujet que les idées, les formes, les institutions constitutives de notre raison pratique collective, autrement dit le sens que revêtent « pour nous » des concepts universels : ce que nous voulons dire par « le droit », la « justice », ce qu’est pour nous la République, ce que sont à notre sens les droits de l’homme... L’histoire des idées, de ce point de vue, n’est qu’un miroir – imparfait mais irremplaçable – promené le long du chemin de la conscience collective.